LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 27 octobre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 391678 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Comptoir de Bonneterie Rafco par la SCP Odent et Poulet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-609 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du h du paragraphe II de l'article 244 quater B du code général des impôts.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 ;
- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour la société requérante par la SCP Odent et Poulet, enregistrées le 2 décembre 2016 ;
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 18 novembre 2016 ;
- les pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Bruno Odent, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 17 janvier 2017 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée lors de la contestation par la société requérante de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2008. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du h du paragraphe II de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 25 décembre 2007 mentionnée ci-dessus.
2. Le paragraphe II de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans cette rédaction, énumère les « dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt » prévu au paragraphe I. Selon le h de ce paragraphe II, comptent parmi celles-ci : « Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir et définies comme suit :
« 1° Les salaires et charges sociales afférents aux stylistes et techniciens des bureaux de style directement et exclusivement chargés de la conception de nouveaux produits et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ;
« 2° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à la réalisation d'opérations visées au 1° ;
« 3° Les autres dépenses de fonctionnement exposées à raison de ces mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 p. 100 des dépenses de personnel mentionnées au 1° ;
« 4° Les frais de dépôt des dessins et modèles.
« 5° Les frais de défense des dessins et modèles, dans la limite de 60 000 euros par an ».
3. La société requérante reproche à ces dispositions de méconnaître les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. Selon elle, en réservant le crédit d'impôt relatif aux dépenses d'élaboration de nouvelles collections aux seules entreprises industrielles, le législateur a créé, au détriment des entreprises commerciales, une différence de traitement injustifiée.
4. La question prioritaire de constitutionnalité porte donc sur le mot « industrielles » figurant au premier alinéa du h du paragraphe II de l'article 244 quater B du code général des impôts.
5. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
6. Selon l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
7. Les dispositions contestées permettent aux entreprises industrielles du secteur « textile-habillement-cuir » de bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses exposées pour l'élaboration de nouvelles collections. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, par l'octroi d'un avantage fiscal, soutenir l'industrie manufacturière en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la conception et la fabrication de nouvelles collections. En réservant le bénéfice de cet avantage aux entreprises industrielles, qui sont dans une situation différente des entreprises commerciales, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objet de la loi. Par conséquent, les griefs tirés de la méconnaissance des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés.
8. Le mot « industrielles » figurant au premier alinéa du h du paragraphe II de l'article 244 quater B du code général des impôts, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit donc être déclaré conforme à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er.- Le mot « industrielles » figurant au premier alinéa du h du paragraphe II de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, est conforme à la Constitution.
Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
Rendu public le 27 janvier 2017.